Projets : Classe Écritures : Tanguy Viel

Find the love in my memories

Sasha

J’ai vraiment hâte de sortir de l’auditorium. Ce n’est pas à cause du manque de confort, loin de là, les bâtiments sont presque neufs, les sièges ne donnent pas mal aux fesses, les tables en bois ne sont ni trop hautes ni trop basses et la pièce est très lumineuse, mais j’ai écouté le professeur pendant plus de deux heures et là, c’est trop long. Mes mains sont moites et mes cheveux deviennent humides. Il doit y avoir une centaine de personnes ici. Je me rappelle en avoir côtoyés certains durant mes années lycée mais impossible de me souvenir des noms. De toutes façon, je m’en fiche. Voilà que le professeur annonce que nous aurons des tuteurs cette année et s’apprête à nous donner les duos. Au même instant, nos aînés rentrent dans l’auditorium. Alors le prof commence à désigner les élèves dans l’assemblée. Les noms défilent, puis vient mon tour. J’ai l’impression que la scène se déroule au ralenti. Je me retourne légèrement pour tenter de l’apercevoir. J’espère encore m’être trompé mais pas d’erreur possible, c’est bien lui.

Izuru

Je marchais avec mes camarades vers cet auditorium que je cherchais depuis deux heures. Ils ont tellement mal indiqué sur leur papier l’endroit où aller qu’on s’est retrouvé à l’auditorium 12 à la place du 2. Quelle bande de nuls ! Juste pour que je rencontre le « p’tit nouveau » que je vais devoir encadrer. Ce qui ne me plaît pas, parce que j’aurai moins de temps pour moi et je finirai plus tard. Fini le calme ! Je vais devoir aider un idiot qui ne comprendra rien à mes explications. Je l’abandonnerai à mon ami Renji. C’est injuste qu’il n’ait pas été choisi comme tuteur. Il est moins brillant que moi mais il ferait un bien meilleur tuteur. Nous avons fini par trouver l’auditorium 2, juste à temps pour que j’entende le professeur annoncer la liste des nouveaux et de leurs tuteurs. Les nouveaux étaient déjà en sueur alors qu’ils ne nous avaient même pas encore rencontrés, quels faiblards ! C’est là que le professeur a prononcé mon nom : « Izuru... tuteur de Sasha ! »

Sasha

J’entends soudain une voix qui me ramène à la réalité. C’est un de mes amis. Ça fait cinq minutes qu’il m’appelle mais je suis tellement dans mes pensées que je ne l’ai pas entendu. Il part rejoindre son binôme et je me dis que je dois faire de même, mais je n’ai franchement pas envie d’y aller. Je soupire, et me lève enfin. Je prends le plus de temps possible pour monter les escaliers et atteindre la porte où m’attend Izuru. On se salue d’un signe de tête et je le suis jusqu’à une salle vide, sans un mot. Là, son visage change d’expression si vite que je me demande ce qu’il va faire. Il s’appuie sur le bord d’une table, réfléchissant à ce qu’il va dire. Mais c’est moi qui lui demande, un peu agressif : « Qu’est-ce que tu fiches ici ? »

Izuru

Sa voix était dure, agressive même, mais je lui ai répondu sèchement : « J’étudie, comme tout le monde ici. » J’avais mal choisi le ton de ma voix, un peu sarcastique, et on aurait dit qu’il allait me tuer. Il continuait de me fixer, toujours plus énervé. Au bout d’une minute, je n’en pouvais plus et je lui ai dit pour détendre l’atmosphère : « Arrête de me regarder comme ça, tu vas me faire peur ! » Bon, comme ça, c’est fait... J’ai rougi, mais pas à cause de l’embarras, à cause d’une gifle, qui a bien failli me faire tomber. Je ne m’y attendais pas, enfin pas si fort. Mais après tout, je le méritais, même s’il y a beaucoup de choses que Sasha ne sait pas. C’est une longue histoire que je ne pourrais raconter ici mais ce qui est sûr, c’est que nous avons beaucoup de souvenirs communs. On était inséparables, comme des frères. Enfin, on l’était forcément, puisque ses parents m’avaient adopté. Ce que Sasha ne peut pas savoir, c’est que nos parents, enfin, les siens, ont décidé de vivre comme si je n’avais jamais existé. Ils se sont même assurés de détruire tout lien entre Sasha et moi ! C’est normal qu’il m’en veuille. C’est normal qu’il pense que je l’ai abandonné après tout ce temps passé ensemble. Je n’ai pas donné de nouvelles après mon départ.

Sasha

La première fois que je l’ai vu, je me souviens, c’était il y a des années, un jour de septembre. Il faisait beau, le ciel était dégagé et le soleil brillait. Une légère brise rafraîchissait la maison grâce aux fenêtres ouvertes. Ce jour-là, il fallait que je révise pour une évaluation d’histoire. J’avais du mal à me concentrer. Et puis j’ai entendu le crissement des graviers, les portes de la voiture qui ont claqué, ce qui voulait dire ce jour-là l’arrivée des parents et du nouvel habitant de la maison. J’ai attendu que ma mère m’appelle pour sortir de ma chambre. Je suis descendu, et c’est là que je l’ai vu pour la première fois, avec ses longs cheveux bruns, ses yeux vairons surprenants et son air renfrogné un peu effrayant. À ce moment, il était devenu mon grand frère.

Izuru

Je me dirigeais vers mon prochain cours, les mathématiques, ma matière préférée. Mais sur le chemin, j’ai vu Sasha. Il était entouré par quatre gars qui le clouaient au mur. Mon sang a commencé à bouillir dans mes veines. J’étais en colère, très en colère. Ils vont vite comprendre qu’ils s’en sont pris à la mauvaise personne. J’en ai entendu un insulter Sasha. À ce moment-là, je n’ai pas réfléchi, je suis intervenu car personne n’a le droit d’insulter Sasha et encore moins devant moi. Je me suis interposé :
– Eh ! Vous pensez pas que c’est inégal d’être à quatre contre un et en plus un plus petit que vous ?
– Occupe-toi de tes affaires ! m’a répondu un horrible blond qui ne s’est même pas retourné pour me faire face.
Les autres, qui s’étaient retournés, avaient compris devant qui ils se trouvaient.
– Les mecs... et si on partait ? On n’a plus rien à faire ici de toute façon… dit prudemment un petit brun à lunettes, sûrement le plus avisé des quatre.
– Oh, que si, on a encore des choses à faire ici ! Ce minus doit payer pour m’avoir bousculé ! lui répondit le blond en se retournant enfin.
Quand il me vit, la colère sur son visage se transforma en peur et peut-être même en terreur.
– Tu as raison... on part tout de suite ! À plus ! se décida-t-il, terrifié.
Puis ils ont couru le plus loin possible de Sasha, ou peut-être de moi. Je me retourne vers Sasha pour vérifier qu’il va bien.

Sasha

Je ne comprends pas. Il vient de me défendre alors que je l’ai giflé il n’y a même pas une semaine. C’est gentil de sa part mais c’est plus qu’illogique. Encore une fois, je ne comprends pas. Maintenant il me demande si je vais bien. Je ne sais pas quoi répondre, je ne suis même pas sûr de comprendre la question. Son visage n’exprime aucune moquerie. Il a juste l’air inquiet, et un peu surpris. J’essaye de me redresser et d’avancer normalement mais je manque de tomber. Izuru me rattrape, et il me soutient sans difficulté comme si j’étais un enfant. « Sasha. Tu saignes et tu ressembles à un mort-vivant avec tes bleus. » Je touche mon nez, et effectivement, je saigne. Izuru me force à m’asseoir pour que je me reprenne. Qu’il soit si gentil avec moi alors que j’ai été méchant me fait culpabiliser un petit peu. À ma grande surprise, il sort un mouchoir de sa poche et l’appuie doucement sur mon nez. Je fais la grimace, ça fait mal ! Ça me rappelle quand on était plus jeunes, Izuru me soignait toujours quand je me blessais ou que j’étais malade. Je suis sûr qu’il me cache quelque chose et que ça a un lien avec son départ.

Izuru

On était assis sur un banc entouré de cerisiers en fleurs qui ondulaient avec les mouvements du vent. Les cheveux de Sasha faisaient la même chose, cela me rappelait quand je jouais avec, et ça finissait toujours en course poursuite car je lui faisais des petites couettes partout, ça lui va tellement bien ! Bref, il y avait aussi une très belle cascade à notre gauche. Mais bien sûr cette cascade est horrible si on la compare à Sasha. Il n’y a rien ni personne qui soit plus beau que Sasha et puis…
– Izuru !
– Heh ?! Oui Sasha ?
– Ça fait cinq minutes que je t’appelle ! me répondit Sasha, les poings serrés. Il y a du poulet qui est tombé de ton sandwich !
– Désolé, je pensais à autre chose.
– À quoi, pour être si distrait ?
– À toi bien sûr !
Sasha, qui était rouge de colère, devint tout d’un coup d’un autre rouge, cette fois plus rosé et il me tourna le dos pour que je ne le voie pas rougir. Je lui pris doucement le menton pour le tourner vers moi et l’embrasser. Rien ne pouvait gâcher ce moment, pas même le jardinier qui tondait la pelouse avec une tondeuse très bruyante ou les canards dans le cours d’eau de la cascade.

Sasha

C’est bon, j’en ai marre. Je veux savoir ce qui s’est passé pour qu’Izuru s’en aille. Je vais dans le bureau des parents et je commence à chercher dans leurs dossiers. Il y en a beaucoup. Ça va être long, très long… Soudain, en bougeant une pile au hasard, je tombe sur une pochette noire étiquetée. Je l’ouvre et un papier tombe. Je le ramasse et commence à lire. C’est une lettre de mes parents qui demande l’annulation d’adoption d’Izuru. Je fouille le reste de la pochette. Des papiers de demandes d’adoptions, des réponses positives, un dossier qui décrit Izuru tel qu’il était plus jeune, tout un tas de documents incompréhensibles mais visiblement nécessaires pour adopter un enfant. Je retrouve aussi d’anciennes photos où on nous voit tous ensemble, mes parents, Izuru et moi. Je ne les avais pas vues depuis longtemps. J’ai commencé à me sentir mal. Dans la lettre, mes parents disaient qu’ils ne pouvaient pas garder Izuru à cause de son comportement, de ses idées, de son influence sur moi. Je commence à comprendre que mes parents m’ont menti, qu’Izuru n’est pour rien dans son départ. Je veux voir Izuru, lui parler pour qu’il me dise que c’est faux. Enfin, je ne sais pas, je veux juste lui parler. Ai-je envie que ce soit vrai ou faux ? Aucune idée. Mais je dois aller le voir et ça ne peut pas attendre. Avant de partir, j’essaye de remettre chaque pochette et feuille à sa place.

Izuru

Il devait bien être 20 h car dehors il commençait déjà à faire sombre et il n’y avait aucun nuage. J’ai commencé à entendre des bruits, comme si quelqu’un tentait de forcer l’entrée de mon dortoir. Je suis allé jusqu’à la porte de l’entrée, j’ai regardé à travers le judas et là, j’ai vu Sasha. Il n’avait pas l’air énervé, plutôt triste ou inquiet. Je lui ai ouvert la porte et il s’est précipité sur moi. Il parlait. Mais il parlait tellement vite que je ne compris rien à ce qu’il disait. Je lui ai proposé de s’asseoir. Il m’a dit : « Je connais toute la vérité, je suis désolé de t’avoir giflé. » J’ai pris Sasha dans mes bras et je lui ai proposé d’aller se promener dans un parc.

Loreline et Mina

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